Du Luxembourg au Kosovo: bâtir la finance de demain

La société luxembourgeoise e-LMA, spécialisée dans les logiciels de services pour l’industrie financière, a bénéficié en 2024 du soutien de la Business Partnership Facility (BPF), pour son projet de partenariat avec Swiss Premium, une entreprise implantée au Kosovo, active dans les services IT. Ensemble, elles forment de jeunes talents kosovars aux métiers de la finance et à l’utilisation de la solution e-LMA, avec pour objectif de créer des emplois qualifiés et durables au Kosovo. Dans cette interview, Jabir Chakib (CEO d’e-LMA), et Ilir Ibrahimi (dirigeant de Swiss Premium), reviennent sur les origines, les objectifs et l’impact de leur projet commun.


Pouvez-vous nous présenter votre société e-LMA ?

Jabir Chakib : e-LMA est une société 100 % luxembourgeoise qui propose une solution en mode SaaS (Software as a service – accessible depuis le cloud). Elle est utilisée par plusieurs sociétés de gestion de fonds, des acteurs du private equity, des family offices et des institutions financières établies au Luxembourg et dans d’autres pays. Concrètement, nous proposons un écosystème qui permet d’automatiser des opérations financières complexes, gérées à l’origine dans Excel. Chaque transaction génère automatiquement l’écriture comptable correspondante. Facile à utiliser et fiable, e-LMA s’appuie sur 15 ans d’expérience dans l’un des environnements financiers les plus réglementés au monde.


Comment avez-vous entendu parler de l’appel à projets de la BPF ?

Jabir Chakib : Nous avons découvert l’opportunité offerte par la BPF grâce à notre collaboration étroite avec l’écosystème entrepreneurial au Luxembourg. Au fil des ans, e-LMA a participé à plusieurs missions diplomatiques et économiques en partenariat avec la Chambre de Commerce, dans de nombreux pays. En septembre 2023, nous nous sommes rendus au Kosovo, où nous avons rapidement pu découvrir les opportunités économiques du pays, ainsi que la Business Partnership Facility. Le Kosovo est un petit pays très accessible, similaire au Luxembourg, où les relations avec les autorités et le monde des affaires sont facilitées. Au cours de cette mission, j’ai rencontré Ilir Ibrahimi, dont la société Swiss Premium fournit, à distance depuis le Kosovo, des services client et informatiques pour l’Allemagne et la Suisse. Très vite, un partenariat s’est noué autour du développement d’une solution de back office pour le secteur financier luxembourgeois, reposant sur la formation de jeunes diplômés Kosovars aux métiers de la finance et à notre solution e-LMA.


De quelles manières la BPF vous a-t-elle soutenu dans votre projet ?

Jabir Chakib : Tout d’abord, le cofinancement apporté nous a permis de passer de l’idée à l’exécution. Nous avons pu lancer nos opérations au Kosovo, recruter, former une équipe locale, et commencer à fournir des services à forte valeur ajoutée selon les standards internationaux. Cet apport financier, à hauteur de 50 % du coût total du projet, a directement couvert des coûts critiques liés à la phase initiale.

Ensuite, en tant qu’agence pour la Coopération au développement, outil de l’Etat luxembourgeois, LuxDev a renforcé la crédibilité du projet. L’accompagnement structuré et régulier de LuxDev nous a permis de rester concentrés et alignés avec les objectifs de développement et d’impact de la BPF.


En quoi votre projet correspondait-il aux critères de l’appel à projets ?

Jabir Chakib : Notre projet s’inscrit parfaitement dans les critères de sélection fondamentaux de la BPF, mettant les objectifs économiques (viabilité et durabilité financières du projet) et de développement durable sur un pied d’égalité. Nous avons déjà formé quatre jeunes professionnels au Kosovo (deux hommes et deux femmes). L’objectif est de bâtir un vivier de 100 talents capables de transmettre les connaissances acquises à leur tour, garantissant ainsi un effet multiplicateur et un impact durable.

Ilir Ibrahimi : La dimension partenariale est également un critère de la BPF, et la dimension de partenariat et transfert de compétence entre le Luxembourg et le Kosovo est au cœur de notre projet. Le Kosovo est en effet en pleine phase de progrès. Nos marchés de capitaux et nos lois sur les fonds d’investissements en sont encore à leurs débuts et le Luxembourg est l’un des pays dont nous pouvons apprendre beaucoup. Nous sommes venus au Luxembourg à plusieurs reprises, dans le cadre du projet qui nous occupe ici, mais aussi pour trouver d’autres partenaires et entités pouvant apporter leur expérience dans le développement de ce marché au Kosovo.


Pourquoi est-ce important selon vous de pouvoir concilier business et coopération au développement ?

Jabir Chakib : Allier business et coopération au développement permet de créer des solutions à la fois économiquement viables et socialement transformatrices. À travers ce modèle, la réussite se mesure aussi par les compétences acquises et l’amélioration des conditions de vie. Il favorise des partenariats fondés sur l’intérêt mutuel, le respect et une vision partagée du progrès.


Quel impact l’aide de la BPF a-t-elle eu pour votre partenaire au Kosovo ?

Jabir Chakib : Le projet a conféré à notre partenaire un rôle actif dans la prestation de services liés à l’un des écosystèmes financiers les plus sophistiqués d’Europe. Il a aussi permis un renforcement des capacités institutionnelles locales, en exposant l’équipe kosovare à des standards, outils et environnements de travail internationaux. Plus largement, cette initiative a posé les bases d’un partenariat durable, fondé sur la confiance, alliant objectifs commerciaux et finalité de développement durable.
Ilir Ibrahimi : Notre société, qui a été fortement affectée par la guerre à la fin des années 90, n’a pas pu se développer comme elle l’aurait fait dans d’autres pays d’Europe. Notre écosystème business a notamment pris du retard dans le secteur financier. L’expérience acquise au Luxembourg et rapportée au Kosovo contribue directement au développement du pays. La Coopération luxembourgeoise joue un rôle majeur, non seulement à travers son soutien financier, mais aussi en construisant des ponts entre les entreprises kosovares et européennes. Les bénéfices sont déjà très visibles, mais le plus important, ce sont les relations établies entre les deux pays qui produiront des avantages durables. La formation de professionnels dans l’industrie des fonds est non seulement importante pour notre projet, mais aussi pour préparer les futurs protagonistes de l’industrie des marchés de capitaux de demain et, bien sûr, renforcer les qualifications des jeunes professionnels directement au Kosovo.


Comment a évolué le projet et que prévoyez-vous pour l’avenir ?

Jabir Chakib : L’équipe locale que nous avons formée au Kosovo est aujourd’hui pleinement opérationnelle. Le projet avance bien. Nous accueillons régulièrement nos collaborateurs du Kosovo au Luxembourg et nous nous y rendons également plusieurs fois par an. Notre objectif sur les trois prochaines années est de former et intégrer au moins 100 professionnels dans notre structure opérationnelle globale.

Ce projet entre e-LMA et Swiss Premium dépasse le simple transfert de compétences : il raconte l’histoire de deux pays qui unissent leurs forces pour former les talents de demain, bâtir des ponts durables et faire émerger une économie plus inclusive, au service du développement. C’est là toute l’ambition portée par la BPF.

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